
Les États-Unis comptent sur ce laser de 3 kilojoules pour simuler des armes nucléaires.
Imaginez un rayon laser si puissant qu'il peut recréer les conditions d'une explosion nucléaire, sans la moindre étincelle de plutonium… C'est ce que fait le laboratoire de recherche navale américain (NRL) avec NIKE, le laser krypton-fluor le plus puissant au monde. Une machine discrète, née en 1995, et désormais au cœur des ambitions nucléaires des États-Unis.
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NIKE : un laser pour remplacer les essais nucléaires
Depuis l'arrêt officiel des tests nucléaires souterrains en 1992, les États-Unis cherchent des moyens de vérifier l'efficacité de leurs têtes sans avoir à les faire exploser. C'est ici que NIKE entre en scène. Son faisceau ultraviolet, capable de délivrer jusqu'à 3 kilojoules d'énergie à 248 nanomètres de longueur d'onde, permet de reproduire en laboratoire les pressions, températures et radiations d'un champ de bataille nucléaire.
Pas besoin de creuser des cratères dans le désert du Nevada : tout se passe dans une salle hermétique, à l'abri des regards. Les chercheurs y provoquent des ondes de choc ultra-précises, soumettent des matériaux à des pressions infernales, et observent comment les composants d'un missile ou d'une bombe réagissent dans ces conditions extrêmes.
La survie des plateformes nucléaires testée au micron près
NIKE permet aussi de tester la résistance des systèmes d'armes nucléaires eux-mêmes : coques de missiles, circuits électroniques, détecteurs embarqués. L'objectif est simple : s'assurer qu'en cas de conflit, l'arsenal américain fonctionne comme prévu, même sous les pires contraintes physiques.
On ne parle donc pas de science théorique, mais bien de validation très concrète. Le laser permet, par exemple, de projeter des impacts de radiation sur des circuits intégrés, comme s'ils avaient traversé une tempête électromagnétique. S'ils continuent de transmettre des données, c'est gagné. Sinon, retour à l'établi.
Une matière qui défie les lois classiques : le plasma
Au coeur des expériences : le plasma. Cet état de la matière, ni gaz, ni liquide, ni solide (promis, ce mot est interdit ici), apparaît naturellement dans le cœur des étoiles et dans… les explosions nucléaires.
NIKE est capable de générer ces plasmas en bombardant des cibles avec ses faisceaux ultraviolets. Le résultat ? Des bulles de matière à des millions de degrés, où les atomes perdent leurs électrons, et où les lois de la physique s'écrivent à coups d'équations relativistes.
Grâce à ce plasma, les chercheurs peuvent observer des phénomènes que l'on ne voit habituellement qu'à des milliers de kilomètres sous terre… ou dans l'espace. Une aubaine, notamment pour comprendre les comportements des matériaux ultra-résistants destinés aux ogives.
Un laboratoire pour des applications bien plus vastes
Évidemment, l'argument nucléaire attire les projecteurs. Mais les retombées de ces recherches vont bien au-delà des missiles. En maîtrisant les plasmas et en développant des instruments d'observation hyper-précis (imagerie à rayons X, spectroscopie à haute cadence), le NRL pose aussi des jalons pour des domaines comme :
- la fusion contrôlée, avec des réacteurs comme ITER,
- les armes hypersoniques, soumises à des frottements thermiques délirants,
- la résistance des satellites militaires en orbite haute.
Tout ça sans tirer un seul obus. Pas mal, pour un faisceau invisible.
Une guerre technologique qui ne dit pas son nom
Mais pourquoi cette relance maintenant ? Parce que la Chine et la Russie développent leurs propres systèmes laser à haute énergie, dans une course technologique silencieuse mais tendue. Le NIKE devient ainsi un outil de souveraineté scientifique.
Côté américain, les partenariats se renforcent : le laboratoire du NRL collabore désormais directement avec l'Air Force Research Laboratory, avec une feuille de route ambitieuse. Objectif : tester la capacité de survie des plateformes nucléaires dans des environnements extrêmes simulés, et gagner du temps sur le développement de nouveaux vecteurs.
En coulisses, cela permet aussi d'éviter de remettre en question le moratoire sur les essais nucléaires, en continuant à “valider sans exploser”.
La France a également son propre projet : le laser Mégajoule (LMJ)
L'équivalent français du projet NIKE américain pour tester les conditions des essais nucléaires par laser est le Laser Mégajoule (LMJ). Installé près de Bordeaux et opérationnel depuis 2014, le LMJ est un immense dispositif doté de 240 faisceaux laser capables de délivrer plus de 2 mégajoules d'énergie sur une cible millimétrique. Il permet de simuler, en laboratoire, les phénomènes physiques se produisant lors de l'explosion d'armes nucléaires, sans recourir à des essais réels. Ce projet, piloté par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), s'inscrit dans la politique de dissuasion nucléaire française et a nécessité un investissement d'environ 2 milliards d'euros. Le LMJ est aujourd'hui l'une des installations laser les plus puissantes au monde pour la recherche sur la fusion et la physique des hautes énergies.
Source : https://www.navy.mil/Press-Office/News-Stories/display-news/Article/4175591/us-naval-research-laboratorys-nike-laser-target-facility-helps-to-advance-depar
Image : Amplificateur final du laser Nike où l'énergie du faisceau laser est augmentée de 150 J à ~5 kJ en passant à travers un mélange de gaz krypton/fluor/argon excité par l'irradiation de deux faisceaux d'électrons opposés de 670 000 volts.
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