
La Chine avance ses pions dans la guerre sous-marine silencieuse.
Les sous-marins sont souvent décrits comme les fantômes des océans. Leur discrétion acoustique est un enjeu majeur, et la Chine semble avoir franchi un nouveau cap. Selon des chercheurs de l'Université Jiao Tong de Shanghai, en collaboration avec le mastodonte China State Shipbuilding Corporation, un système hybride de réduction des vibrations pourrait abaisser la signature sonore des sous-marins chinois de 50 %.
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Un système hybride : actif et passif
La technologie développée par l'équipe de Zhang Zhiyi repose sur deux couches complémentaires. La première, dite passive, est constituée d'anneaux en acier-caoutchouc-acier. Leur mission : amortir les vibrations mécaniques à la source. Ces anneaux remplacent les fixations rigides classiques, qui transmettent le moindre frémissement du moteur à la coque.
La seconde couche, active, est composée d'une douzaine d'actionneurs piézoélectriques. Ces minuscules dispositifs, placés autour du moteur, neutralisent en temps réel les vibrations microscopiques qui traversent les structures. Grâce à des leviers de précision, ils appliquent des forces contraires pour gommer le signal sonore.
Une efficacité sonore redoutable
Les essais menés en laboratoire sur un modèle réduit sont éloquents. À 100 Hz, les mesures affichent une réduction du bruit de 24 dB (12 dB pour chaque couche), et jusqu'à 26 dB à 400 Hz. Pour les sous-marins, ces chiffres ne sont pas anecdotiques.
Réduire de 10 dB le bruit d'un engin immergé diminue d'environ 32 % la portée de détection des sonars adverses. À 26 dB, on dépasse la moitié : un sous-marin équipé de ce système pourrait, en théorie, se fondre littéralement dans le bruit de fond marin, dont les valeurs tournent autour de 85 à 95 dB.
Une réponse rapide et adaptative
La clé du succès : un algorithme adaptatif FX-LMS (Filtered-x Least Mean Squares). Ce logiciel pilote les actionneurs piézoélectriques avec un temps de réponse minimal, évitant les instabilités typiques des boucles de rétroaction. L'ensemble couvre une bande passante de 10 à 500 Hz, de quoi englober la majorité des harmoniques générées par les moteurs diesel-électriques et nucléaires.
Les chercheurs soulignent cependant que la mer est un milieu imprévisible. La rigidité du caoutchouc, sensible aux variations de température et de pression, pourrait compromettre l'efficacité du système en situation réelle. De même, la résistance à long terme des matériaux piézoélectriques reste à démontrer en conditions opérationnelles.
Une guerre acoustique qui ne fait que commencer
La discrétion acoustique est la pierre angulaire de la guerre sous-marine. Les sous-marins modernes, comme les Ohio américains ou les anciens Los Angeles, affichent des signatures sonores entre 90 et 130 dB. Toute réduction de ce signal rapproche les engins des niveaux ambiants, compliquant la tâche des sonars ennemis.
La Chine, déjà engagée dans une modernisation navale ambitieuse, ne cache plus son intérêt pour ces technologies. À faible vitesse, lorsque les bruits hydrodynamiques sont faibles, le bruit mécanique des moteurs devient la principale signature détectable. Réduire ce bruit, c'est offrir à la flotte une liberté de manœuvre inédite.
Des enjeux stratégiques plus larges
Si cette avancée se confirme en mer, elle pourrait redéfinir l'équilibre acoustique dans les profondeurs. Pour Pékin, c'est aussi un moyen de réduire la dépendance à des technologies étrangères, tout en répondant à la montée en puissance de ses ambitions navales.
Pour l'instant, aucun calendrier n'a été communiqué pour l'intégration de ce système à bord des sous-marins chinois. Mais la publication de ces résultats révèle un effort scientifique soutenu pour que les océans deviennent un peu plus opaques aux oreilles adverses. Le silence, dans la guerre sous-marine, n'est pas un luxe : c'est un atout stratégique.
Source : https://www.scmp.com/news/china/science/article/3311772/chinas-super-quiet-submarine-tech-halves-engine-noise-detection-range-study
Image : Sous-marin Type 096 chinois
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