
La Chine dévoile une ogive nucléaire de 4 mégatonnes : le signal n'est pas que technologique.
La télévision centrale chinoise a publié un reportage détaillé sur le missile balistique intercontinental DF-5, révélant pour la première fois des données chiffrées précises sur sa charge utile, son rayon d'action et sa précision. Ce missile peut transporter une ogive nucléaire de 4 mégatonnes, soit l'équivalent de 200 fois la bombe d'Hiroshima. Officiellement déployé depuis 1981, il ressurgit aujourd'hui non pas en tant que relique de la guerre froide, mais comme vecteur stratégique d'un message politique bien contemporain.
Lire aussi :
- Ce nouveau missile américain au nom redoutable envoie un message très clair à 6174 km/h à la Russie et à la Chine
- La France a créé le « Rafale des missiles » ! Un nouveau bijou high-tech multi-rôle qui lui ouvre la voie à un beau succès commercial
Un missile plus ancien que beaucoup de ses cibles, mais toujours debout
Le DF-5, ou Dongfeng-5, est un missile balistique intercontinental à deux étages, propulsé par carburant liquide, conçu dans les années 1970 et déployé dans des silos fixes.
Hauteur : 32,6 mètres
Diamètre : 3,35 mètres
Poids au lancement : 183 tonnes
Portée : 12 000 kilomètres
Précision : 500 mètres de CEP (circular error probable)
L'ogive embarquée peut atteindre 4 mégatonnes de TNT, soit près de 5 fois la puissance combinée de tous les missiles tirés lors d'un exercice nucléaire tactique moderne de l'OTAN. Cela suffit à anéantir entièrement une métropole, ou plus exactement, à la faire disparaître de manière industrielle.
4 mégatonnes, c'est beaucoup ou pas ?
On pourrait croire que ce chiffre appartient à une époque révolue, celle où les puissances nucléaires raisonnaient encore en mégatonnes. Pourtant, ce type de charge reste redoutablement efficace dans un contexte stratégique.
Prenons un exemple. La ville de Lyon s'étend sur un rayon d'environ 10 kilomètres. Une explosion de 4 mégatonnes à 500 mètres de précision rayerait du paysage l'intégralité de la zone urbaine, avec des effets thermiques, sismiques et radioactifs s'étendant bien au-delà.
Le fait que la Chine confirme une telle capacité pose plusieurs questions : à quoi bon maintenir une arme aussi visible, lourde et technologiquement datée, si ce n'est pour signifier autre chose que sa seule existence ?
Une transparence armée de calculs
La Chine n'a jamais été aussi bavarde sur ses armes nucléaires. Ce niveau de détail n'avait jamais été officiellement communiqué sur un ICBM chinois. Alors pourquoi maintenant ?
Plusieurs hypothèses circulent :
- Pékin souhaite prouver qu'elle dispose d'une dissuasion crédible et puissante, sans pour autant faire feu.
- Le DF-5 sert de vitrine muséale, pendant que d'autres missiles, bien plus mobiles et modernes comme le DF-41, prennent le relais dans les hangars souterrains.
- Ce dévoilement s'inscrit dans une stratégie de signalement asymétrique, à l'heure où les États-Unis réévaluent leur posture nucléaire en Asie-Pacifique.
Il est aussi possible que la Chine tente ici un test de perception internationale, en jouant sur la peur qu'un tel chiffre peut susciter, sans pour autant enfreindre ses engagements officiels de non-emploi en premier.
DF-5B, DF-31, DF-41 : sous le capot, bien plus que du kérosène
Il faut regarder au-delà du DF-5. Ce missile a été modernisé sous la version DF-5B, capable d'emporter des MIRV (têtes nucléaires indépendamment ciblables). C'est une montée en gamme redoutable.
La Chine dispose désormais :
- du DF-31, mobile sur camion, porté à 11 000 kilomètres,
- du DF-41, encore plus moderne, lui aussi MIRVable, et probablement capable d'atteindre n'importe quel point du globe.
En parallèle, la construction de nouveaux silos en zones désertiques s'accélère. D'après le Pentagone, la Chine disposerait d'au moins 320 silos ICBM, et de plus de 600 têtes nucléaires actives, avec une trajectoire projetée à 1 000 d'ici 2030.
En d'autres termes, le DF-5 n'est que la partie émergée de l'arsenal, et peut-être même un leurre délibéré pour focaliser l'attention.
Une doctrine qui ne dit pas tout
La Chine reste officiellement fidèle à une doctrine de non-emploi en premier. Elle promet de ne jamais utiliser l'arme nucléaire contre un pays non doté ou en première frappe. Cette position la distingue nettement des doctrines américaine et russe, qui incluent des cas d'usage préventif.
Mais un discours n'est pas un engagement gravé dans le béton, surtout quand le béton recouvre des silos prêts à tirer.
Le choix de mettre en lumière un missile aussi destructeur tout en répétant son attachement à la paix relève d'une communication à double détente : rassurer les voisins tout en rappelant qu'on pourrait très bien ne pas le faire.
Le mégatonne comme thermomètre géopolitique
Ce qu'il faut lire entre les lignes, ce n'est pas uniquement la portée du missile, mais la portée politique du message.
En révélant ces chiffres, la Chine :
- interpelle Washington sur sa capacité à dissuader une intervention en mer de Chine ou à Taïwan,
- rappelle à l'Europe qu'elle est dans le rayon d'action nucléaire chinois, sans forcément être dans sa zone d'influence directe,
- montre à ses propres citoyens qu'elle tient sa place à la table des grandes puissances, sans avoir besoin de faire feu.
Un DF-5, même vieux, pèse 183 tonnes. Mais dans l'équation stratégique actuelle, c'est le gramme de communication qui change tout.
Source : https://odin.tradoc.army.mil/WEG/Asset/8f741d4814269ea4286ba94e5688c575
En tant que jeune média indépendant, secret-defense.org a besoin de votre aide. Soutenez-nous en nous suivant et en nous ajoutant à vos favoris sur Google News. Merci !