
La légion Liberté pour la Russie et le RDK revendiquent les récentes incursions en territoire russe. Situés aux antipodes idéologiques, l’objectif commun de ces groupes armés est de renverser le président russe Vladimir Poutine en combattant aux côté de l’armée ukrainienne.
Après une opération qui a mobilisé notamment son aviation et son artillerie, la Russie a affirmé, mardi 23 mai, avoir « écrasé » le groupe ayant attaqué la veille depuis l’Ukraine la région frontalière de Belgorod. Cette incursion en territoire russe n’est pas la première depuis le début du conflit en Ukraine. En mars et avril dernier, des commandos infiltrés avaient déjà mené des opérations de sabotage dans la région. Mais elle est la plus spectaculaire, plusieurs localités ayant été frappées par des obus. Treize civils auraient été blessés lors de cette attaque revendiquée par Freedom for Russia Legion (Légion Liberté pour la Russie) et le RDK, ou « Corps des volontaires russes », deux organisations inconnues du grand public avant ce coup d’éclat.
Les origines incertaines de Liberté pour la Russie
Le groupe Liberté pour la Russie a pourtant fait parler de lui une première fois le 5 avril 2022. Trois de ses membres avaient alors témoigné de leur engagement face aux journalistes étrangers à l’occasion d’une conférence de presse organisée par l’agence Interfax-Ukraine. D’après leurs dires, et ceux du renseignement ukrainien, il serait né en mars 2022, après la défection d’une compagnie russe qui aurait pris le parti de Kiev. Cependant, la filiation exacte de ce groupe armé, qui affirme avoir combattu sous pavillon ukrainien dans la région de Bakhmout, demeure incertaine. « Il est impossible de retracer l’origine de ces combattants ou de retrouver leur unité russe », avance le chercheur Adrien Nonjon, spécialiste des mouvements d’extrême droite et nationalistes en Ukraine, cité par France Info.
Son organisation, ses processus de recrutement et le nombre de ses combattants, peut-être quelques centaines, demeurent tout aussi opaques. Ces derniers arborent sur leur uniforme le drapeau blanc, bleu, blanc qui symbolise les forces de résistance à Vladimir Poutine en Russie. De fait, Liberté pour la Russie prône la restauration de l’Etat de droit et la mise en place d’un véritable régime parlementaire et démocratique en Russie.
Le RDK prise les symboles néonazis
L’origine du RDK, composé de citoyens russes réfugiés depuis plusieurs années en Ukraine, est en revanche plus facilement identifiable. Le groupe a été créé à l’été 2022 par un individu bien connu des réseaux antifascistes européen. Il s’agit de Denis Kasputin, parfois aussi nommé Denis Nikitin. Mais, à Moscou, il se fait appeler « White Rex », comme la marque de vêtements de sport qu’il a créée, cette dernière arborant le soleil noir, un symbole prisé par les néonazis du monde entier.
Ancien hooligan de football et organisateur de tournois de MMA, Denis Kasputin se définit dans différentes interviews comme un nationaliste combattant pour une Russie « ethniquement russe ». Le groupe arbore d’ailleurs les insignes de l’Armée de libération russe, une formation militaire de volontaires russes armés par la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale.
Des unités indépendantes mais subordonnées à l’état-major ukrainien
Un certain Alexeï Levkine, qui apparait sur une des vidéos publiée par le RDK après l’incursion dans la région de Belgorod, possède lui aussi un pédigrée pour le moins sulfureux. C’est un ancien membre des mouvements néonazis russes M8L8tx et Wotanjugend, lequel qualifiait notamment de « héros » le suprémaciste blanc Anders Breivik, auteur de l’attentat meurtrier de 2011 en Norvège.
Comme de nombreux membres du RDK, il a combattu dans le Donbass dès 2014, dans le giron du régiment Azov. Selon une source de l’AFP, ce corps, tout comme la Légion Liberté pour la Russie, fonctionnerait d’ailleurs comme une unité indépendante mais « directement subordonnée » sur le front au ministère de la Défense ukrainien.
Une alliance objective contre Poutine
La légion Liberté pour la Russie et le RDK ont-ils monté et mené de leur propre chef l’opération d’infiltration dans la région de Belgorod ? C’est le message que fait passer l’état-major ukrainien qui dément toute implication. Toujours est-il qu’elle « sert clairement les intérêts des Ukrainiens, parce que cela a obligé les Russes à réagir, à attaquer à leur tour, à envoyer des soldats sur place », explique la journaliste Maryse Burgot sur France Info. Dans une guerre où la communication a pris une place prépondérante, elle a aussi permis de détourner l’attention internationale après la prise de Bakhmout par la société paramilitaire russe Wagner.
Situées apparemment aux antipodes idéologiques, ces deux organisations ont donc allié leurs forces pour mener des opérations de sabotage avec l’aval plus ou moins consentant des autorités ukrainiennes qui y voient autant d’occasions de faire diversion dans l’attente d’une « contre-offensive » attendue depuis plusieurs semaines. Le 31 aout 2022, Liberté pour la Russie et le RDK ont ainsi signé, avec l’Armée nationale républicaine, un autre groupuscule d’opposition à Vladimir Poutine, la déclaration d’Irpin, un manifeste dont les objectifs sont « la défaite de l’armée russe en Ukraine, la libération du Donbass et de la Crimée, ainsi que la destruction du régime de Poutine et de ses vestiges ».