
Le secteur immobilier chinois est en souffrance. Faute de liquidité, de nombreuses entreprises mettent les chantiers à l’arrêt et un nombre croissant de particuliers refusent de payer leur futur logement, craignant que les immeubles ne soient jamais finis.
En Chine, le cycle des confinements et des restrictions de déplacements dus à la politique dite « zéro Covid » créer un choc sur les revenus des ménages et des entreprises et déstabilise l’économie du pays alertent les analystes. Selon les données de l’agence Bloomberg, les emprunteurs chinois ont fait défaut sur un record de 28,8 milliards de dollars d’obligations offshore en 2022. Le secteur immobilier, qui représente un quart du PIB du pays, est particulièrement sous pression.
225 millions de mètres carrés de logements à terminer
En 2022, 45 % des acheteurs chinois n’ont toujours pas reçu les clés de leur appartement. De fait, endettée jusqu’au cou, une trentaine de promoteurs immobiliers ont arrêté provisoirement leurs chantiers ou tout simplement mis la clé sous la porte. La Chine compte à ce jour 225 millions de mètres carrés de logements à terminer et les perspectives ne sont guère réjouissantes pour un secteur déjà largement fragilisé.
La libération du marché, en 1998, a entrainé un boom fulgurant de l’immobilier, entretenu par les normes sociales de l’Empire du milieu – l’acquisition d’un bien étant souvent un prérequis au mariage. Les banques ont financé cette frénésie avec des prêts avantageux aux promoteurs et aux acheteurs. Aujourd’hui encore, les crédits immobiliers représentent près de 20% des prêts en cours dans le système bancaire, selon un récent rapport de la banque ANZ.
C’est ce système, pilier de la croissance chinoise, qui est aujourd’hui à bout de souffle en raison de l’endettement monstre des promoteurs. Au point que Pékin leur a imposé, en 2020, des conditions beaucoup plus strict d’accès au crédit, rendant les conditions de refinancement plus difficiles pour des entreprises qui s’efforcent depuis de rembourser des montagnes de dettes. Une vague de défauts de paiement a suivi, notamment celui d’Evergrande, l’ex-numéro un chinois de l’immobilier, étranglé par une dette de quelque 300 milliards de dollars.
Une contagion au reste de l’économie ?
Conséquence : des chantiers à l’arrêt et des propriétaires de logements, achetés avant la construction, qui refuse de rembourser leurs crédits immobiliers. En juin de cette année, une nouvelle forme de protestation a en effet fait son apparition : la grève des paiements qui s’est étendue à plus de 300 projets immobiliers dans 50 villes du pays.
Et la perte de confiance des Chinois dans le secteur pourrait encore aggraver la crise. Il fait craindre une contagion à l’ensemble de l’économie chinoise, voire, par ricochet, au commerce mondial. Pour Tommy Wu, analyste du cabinet Oxford Economics, cité par Capital : « Le danger de voir se développer un cercle vicieux – baisse des ventes et des prix des logements, détresse croissante des promoteurs et détérioration des finances des collectivités locales – est préoccupant. » L’agence de notation américaine Fitch Ratings va encore plus loin et tire la sonnette d’alarme, estimant que « si les défauts de paiement se multiplient, il pourrait y avoir de grandes et graves conséquences économiques et sociales partout dans le monde ».
Soucieux de la stabilité sociale du pays, les autorités chinoises ont laissé entrevoir la création d’un fonds public pour soutenir le secteur immobilier et développer un marché « sain et solide ». Selon des analystes, une telle opération de renflouement pourrait cependant avoir pour effet pervers de faire peser l’ensemble des risques sur le secteur bancaire, au risque de provoquer l’effet inverse que celui recherché, les propriétaires et les promoteurs immobiliers étant alors tentés de se soustraire à leurs responsabilités en matière de paiements.