
Les autorités maliennes ont suspendu la diffusion des programmes de Radio France internationale (RFI) et de France 24.
La « défrancisation » du Mali vient de franchir une étape supplémentaire avec la suspension de la diffusion de RFI et France 24, ainsi que toutes leurs plateformes digitales, ordonnée par la junte militaire au pouvoir depuis mai 2021. L’ensemble de la presse locale se voit également interdire de reprendre les informations de ces deux médias publics du groupe France Médias Monde, très suivis en Afrique francophone.
Cette mesure sans précédent intervient après un reportage de RFI diffusé les 14 et 15 mars dans lequel la radio a fait témoigner des civils, victimes présumées d’exactions commises par les Forces armées maliennes (FAMa) et le groupe de sécurité privé russe Wagner.
Des « fausses allégations »
Pour Bamako, qui dénonce « de fausses allégations », il s’agit d’accusations infondées. Pour autant, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme Michèle Bachelet, avait, dès le 8 mars, dénoncée des « violations du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire » au Mali. En cause, un rapport de l’organisation Human Rights Watch (HRW) dénonçant des exactions qui auraient été commises par des militaires en représailles à des pertes infligées par des groupes islamistes. Le 5 mars notamment, une attaque djihadiste contre un campement de l’armée avait fait au moins 27 morts parmi les soldats à Mondoro, dans le centre du pays.
Par ailleurs, l’enquête de RFI met en lumière l’implication de mercenaires du groupe Wagner dans ces exactions supposées, sur le fondement de témoignages corroborés par un reportage du journal Jeune Afrique. Depuis le début du mois de janvier, des dizaines de civils auraient ainsi été tuées par les forces maliennes et leurs supplétifs russes. Un cap supplémentaire dans l’horreur : ces dernières années, le terrorisme, mais aussi les violences intercommunautaires, ont déjà fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
Une nouvelle avancée de l’influence russe
La situation est aujourd’hui explosive. Déclenchée en 2013 à la demande de Bamako, l’opération militaire française a sans doute empêché le pays de tomber entièrement entre les mains des djihadistes. Mais ces derniers, sous affiliation d’al-Qaida ou de l’organisation État islamique, contrôlent malgré tout presque deux tiers de son territoire. Et la fin de l’opération Barkhane, annoncée le 27 février par Emmanuel Macron, a accéléré le raidissement de la junte au pouvoir, au prix d’un rapprochement avec la Russie et d’un tour de vis sur les libertés.
De fait, la suspension des médias français s’inscrit dans une volonté d’étouffer les voix critiques et marque une nouvelle avancée de l’influence russe en Afrique de l’Ouest. Signe des temps, dans un communiqué publié sur Twitter, Alexandre Ivanov, un des représentants du groupe Wagner en Centrafrique, s’est félicité du coup d’Etat militaire ayant renversé le président du Burkina Faso voisin, Roch Marc Christian Kaboré, en janvier dernier. Estimant que la France n’avait obtenu « aucun succès » dans la lutte antiterroriste dans la région, ce dernier se disait prêt à « partager l’expérience » des instructeurs russes pour la formation de l’armée du Burkina Faso. La Russie continue ainsi de pousser ses pions sur le continent en attisant le ressentiment contre l’ex-puissance coloniale. Faut-il dès lors s’étonner du refus de nombreux pays africains, dont le Mali, de condamner la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine ?