
Les funérailles d’Elizabeth II ont rassemblé le peuple anglais dans un rare moment de communion nationale. Mais, en Grande-Bretagne, la fin du deuil signe un retour brutale à la réalité socio-économique.
La conjoncture est explosive outre-Manche : une des plus forte chute du pouvoir d’achat depuis la guerre, des salaires qui stagnent et une inflation record de plus de 10%. A eux seuls, les prix du gaz ont été multiplié par 7 sur un an. On estime ainsi que 80% de la population est potentiellement en situation de pauvreté énergétique. Un mouvement baptisé « Don’t Pay » (Ne payez pas) a même vu le jour. Il en appelle à la désobéissance civile. L’idée est de ne plus payer ses factures d’énergie afin d’obliger le gouvernement et les fournisseurs à négocier ensemble pour faire baisser le plafond des tarifs.
Un plan d’urgence massif pour préserver le pouvoir d’achat
Après plusieurs semaines d’inertie de l’ancien gouvernement Johnson, empêtré dans les polémiques, le nouveau Premier ministre Liz Truss a donc fort à faire. Dès avant le décès de la reine, cette dernière a annoncé un plan d’urgence massif avec des aides directes aux familles et aux entreprises, un plafonnement des factures d’énergie pour les classes moyennes et une politique de lutte contre le chômage. Un plan de soutien au pouvoir d’achat des ménages qui devrait coûter au total 150 milliards de livres (172 milliards d’euros) sur deux ans au gouvernement, soit plus du double de ce que le Royaume-Uni a payé en chômage technique lors de la crise du Covid.
La mesure phare de ce « mini-budget », c’est son nom, consiste à geler les factures d’énergie pour deux ans, à 2 500 livres pour un ménage moyen. Quant aux entreprises, le gouvernement conservateur envisage la prise en charge de la moitié de leurs factures d’énergie pendant six mois. Sur le front du marché de l’emploi, lequel souffre d’un grave manque de travailleurs, il prévoit d’assortir d’obligations l’accès au revenu minimum pour les personnes qui travaillent moins de 15 heures par semaine tout en incitant les plus de 50 ans à revenir sur le marché du travail, dont ils sont sortis en grandes proportions depuis la pandémie.
Un financement incertain
Ce plan pharamineux ne sera pas financé par des nouvelles taxes a promis le Premier ministre. Ni par la taxation des bénéfices records de certains géants pétroliers comme Shell ou BP. Au contraire. Il est question de la création de « 38 zones d’investissement dérégulées », qui rappellent les projets de ports francs du gouvernement précédent. Par ailleurs, une des mesures du « mini plan » prévoit de faire sauter le plafonnement des bonus des banquiers, bridés à la suite de la crise financière de 2008, à un maximum de 200% du salaire annuel. Le gouvernement veut également baisser les impôts sur la tranche maximale de l’impôt sur le revenu, qui passe de 45% à 40%.
D’après plusieurs médias britanniques, ces dépenses colossales seront donc financées par des emprunts, contractés auprès des marchés financiers. Ce qui risque d’alourdir une dette déjà montée en flèche pendant la pandémie. Le gouvernement a malgré tout prévu d’encadrer plus strictement le droit de grève aux cas où les négociations salariales ont échoué… Un message fort qui répond aux contestations sociales qui se font entendre dans tout le pays depuis cet été.
Une « trajectoire » de dette « insoutenable ?
Car la trêve nationale des funérailles de la reine est désormais terminée. La grève des conducteurs de trains britanniques pour les salaires reprend le 1er octobre. Les cheminots, mais aussi les postiers, les dockers, les avocats pénalistes ou encore les éboueurs devraient suivre.
De leur côté, les économistes s’inquiètent de ce cocktail explosif – baisses d’impôts, aides massives réglées par la dette publique – pour les finances de l’Etat. Selon La Tribune, l’Institut des études budgétaires (IFS) a ainsi tiré la sonnette d’alarme sur une « trajectoire insoutenable » de la dette à court terme.