Publication: 26/04/2019
Le Bénin de Patrice Talon traverse une crise politique sans précédent. Pour la première fois depuis trente ans, l’opposition béninoise ne présentera aucune liste aux élections législatives du dimanche 28 avril, dont elle a été exclue par le pouvoir. A quelques jours du scrutin, la tension monte dans un pays pourtant considéré comme un modèle démocratique.
Confusion au Bénin. Le pays, considéré comme un modèle de démocratie sur le continent africain depuis l’instauration du multipartisme au cours des années 1990, doit élire ses députés le 28 avril. Problème : pour la première fois en trente ans de vie politique, les partis d’opposition ne participeront pas au scrutin, une absence pavant la voie du Parlement aux deux formations parrainées par le président Patrice Talon, le Bloc républicain et l’Union progressiste, seuls partis autorisés par la Commission électorale nationale autonome (CENA) à présenter leurs listes dimanche.
En cause, l’adoption en septembre dernier d’un nouveau code électoral et d’une nouvelle charte politique, proposés par les députés fidèles au pouvoir en place. Aucun parti d’opposition n’a réussi à réunir les documents demandés dans les temps impartis, menant à leur exclusion du scrutin. De fait, « l’opposition béninoise n’a pas boycotté les prochaines élections législatives, assure un opposant à Patrice Talon. Elle en a été exclue ». Le contraste avec le précédent scrutin législatif d’ il y a cinq ans, au cours duquel pas moins de vingt listes étaient en lice pour désigner les 83 députés béninois, est d’autant plus frappant… et inquiétant.
Patrice Talon et son gouvernement de plus en plus autocratique
Car c’est bien l’inquiétude qui domine dans le pays. A quelques jours d’un scrutin décisif, la confusion règne, une majeure partie de la classe politique béninoise appelant explicitement à l’arrêt du processus électoral. A l’image des anciens présidents du pays, Boni Yayi, qui a appelé son successeur à prendre ses responsabilités afin d’éviter le « chaos » dans le pays, et Nicéphore Soglo, qui est ressorti d’un entretien « décevant » avec Patrice Talon. « Le Bénin ne permettra pas que l’on désigne 83 députés privés du chef de l’Etat au Parlement », s’est quant à lui indigné Eric Houndété, vice-président du Parlement et l’un des leaders de la coalition opposée à Patrice Talon.
L’Union africaine (UA), une organisation regroupant 55 pays du continent, s’inquiète également de la tournure que prennent les élections au Bénin. Dépêchant des observateurs sur place afin « d’écouter et de s’informer dans le but d’apprécier le caractère de ces élections », l’UA a déclaré dans un communiqué que « ces élections interviennent dans un contexte marqué par une rupture de consensus sur lequel repose la démocratie béninoise et auquel la cour constitutionnelle a conféré une valeur constitutionnelle ». Si l’organisation panafricaine n’a aucun pouvoir de sanction sur ses pays membres, ses critiques pourraient néanmoins entacher la renommée du Bénin sur la scène internationale.
La société civile béninoise n’est pas en reste. Pour l’ONG Social Watch Bénin, qui a décidé comme de nombreuses autres formations de « suspendre sa participation aux activités liées aux élections législatives dans les conditions actuelles », le nouveau code électoral marque un « recul démocratique », « une élection (ne pouvant) être démocratique que lorsqu’elle met en compétition des forces politiques favorables au pouvoir et des forces politiques opposées » à celui-ci. Même son de cloche du côté de SOS Elections crédibles, où l’on estime que « la société civile ne peut pas cautionner cette grave atteinte à la démocratie ».
Tensions et confusion à l’approche des élections législatives
Résultat, la tension monte au Bénin. Bâillonnée, l’opposition à Patrice Talon n’a pas été autorisée à manifester. Lorsqu’ils ont néanmoins eu lieu, les mouvements spontanés de protestation ont été réprimés par les forces de l’ordre, qui ont comme samedi dernier dispersé des manifestants à coups de gaz lacrymogènes. Des coups de feux ont même été tirés en l’air et, sur un marché, une altercation est survenue entre l’ancien président Yayi Boni et des policiers. Mais contre toute vraisemblance, les autorités continuent d’assurer que le scrutin se tiendra dimanche « dans des conditions de sécurité et de sérénité tout à fait convenables ».
Dans ce climat anxiogène, loin de l’enthousiasme habituellement soulevé par ce type de scrutin, certains membres des partis pro-Talon font mine de s’étonner de l’absence de ferveur populaire. Comme le député Orden Alladatin, de l’Union progressiste, qui reconnaît que « d’habitude, il y a plein de partis qui sont en lice, plein de candidatures, ceux qui peuvent gagner, ceux qui ne peuvent pas gagner… Tout le monde y passe ». « Là, poursuit le parlementaire, il y a deux partis en lice mais, en fait, ce sont 150 partis politiques regroupés. Donc deux partis font nécessairement moins d’ambiance ».
Alors que l’opposition semble plus divisée que jamais sur la conduite à tenir, le président Talon a appelé au calme. Pas sûr qu’il soit entendu.
F.L.
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