
En quête de diversification de ses sources d’approvisionnement afin de réduire sa dépendance au gaz russe en pleine crise ukrainienne, la Commission européenne se tourne notamment vers l’Azerbaïdjan pour sécuriser de nouveaux partenaires énergétiques. Quitte à faire preuve d’une certaine incohérence, tant du point de vue de la stratégie que des principes.
Le gaz azéri va-t-il devenir une alternative au gaz russe pour l’Europe ? Lors d’un déplacement à Bakou, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a signé avec le dirigeant azerbaïdjanais, Ilham Aliev, un protocole d’entente pour doubler, « en quelques années », les importations de gaz naturel de l’Union européenne (UE) depuis ce pays du Caucase. L’objectif : se défaire de sa dépendance à la Russie en pleine guerre en Ukraine et pallier la menace d’une rupture totale des livraisons gazières par Moscou en réaction aux sanctions.
L’UE importe actuellement 8,1 milliards de mètres cubes de gaz naturel par le corridor gazier sud-européen, un ensemble de gazoducs qui partent d’Azerbaïdjan pour déboucher en Europe en passant par la Géorgie et la Turquie. Avec l’accord annoncé, le débit pourrait atteindre 20 milliards de mètres cubes.
« Un partenaire fiable »… Vraiment ?
« Avant même l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie, les livraisons de gaz russe à l’Europe avaient cessé d’être fiables. L’Union européenne a donc décidé de (…) se tourner vers des fournisseurs plus fiables et dignes de confiance », a souligné Ursula von der Leyen pour qui « L’Azerbaïdjan en fait partie ». De son côté, le président azéri Ilham Aliyev a affirmé que l’exploitation de nouveaux gisements permettrait d’ « augmenter la production de gaz naturel dans les prochaines années ».
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février, l’UE met ainsi les bouchées doubles pour augmenter ses importations depuis d’autres sources que la Russie, comme les Etats-Unis, le Qatar, la Norvège, l’Algérie et, donc, l’Azerbaïdjan, pays autoritaire du Caucase, coutumier des menaces et des intimidations, dont le choix interroge. L’Azerbaïdjan est classé en 2021 168e (sur 180 pays) du classement de la liberté de la presse conçu par Reporters sans frontières. La même année, il se classait à la 128e place (sur 180) dans l’indice de perception de la corruption. De multiples cas de torture sont également rapportés par les associations sur place.
Incohérence stratégique
En outre, le pays est à l’origine de la guerre de 2020 contre les arméniens du Haut-Karabakh dont il n’a pas hésité à attaquer les sites culturels et historiques (29 églises, monuments ou musées détruits en toute illégalité puisque ces actions contreviennent à la Convention de La Haye de 1954 sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé). Après le cessez-le-feu signé au mois de novembre 2020, le président Ilham Aliyev avait d’ailleurs menacé de conquérir la capitale arménienne, Erevan. Pour autant, ce dernier semble devenu fréquentable pour une présidente de la Commission européenne qui n’hésite pourtant pas à menacer de manière constante la Pologne pour « violation des valeurs fondamentales de l’UE ». Un « deux poids deux mesures », justifié par l’importance des contrats signés, mais qui démontre la fébrilité des dirigeants européens, empêtrés dans une politique de sanctions qui, chaque jour un peu plus, semble se retourner contre les pays du Vieux Continent.
D’ailleurs, si le choix d’un tel fournisseur paraît contestable, il laisse également apparaître certaines incohérences eu égard aux objectifs poursuivit. En effet, le gaz azerbaïdjanais provient du champ gazier Shah Deniz, exploité par un consortium dont un des actionnaires, à hauteur de 19,99%, n’est autre que le géant pétrolier russe Lukoil.