Le partenariat militaire entre le Sénégal et les États-Unis existe de longue date, mais il ne cesse de s’approfondir. Une situation gagnant-gagnant qui s’inscrit dans une logique d’investissement de la zone par le Pentagone à travers une formation et une coopération avec les forces locales.
Un partenariat sécuritaire diversifié
Durant le mois d’août, le Cooperative Security Location (CSL) situé sur la base aérienne d’Ouakam, au Nord de Dakar, a reçu la visite de 200 membres des Forces spéciales sol-air des Marines américains. Ces troupes basées en Espagne ont parcouru 3000 kilomètres afin de participer à une formation axée sur l’aide humanitaire et le secours en cas de catastrophe naturelle. Sous la direction du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), les Marines ont également participé à des exercices portant sur la protection des missions diplomatiques américaines à l’étranger.
Mais ce séjour fut surtout l’opportunité pour les forces armées sénégalaises et américaines de réaliser un entraînement conjoint, afin de renforcer leur coopération et d’améliorer leur interopérabilité. Cette formation de deux semaines avait pour objectif de maintenir l’état de préparation des Marines en tant que force de réaction rapide en les confrontant à un environnement inconnu et en intégrant des scénarios de formation complexes, le tout en coopération avec des partenaires locaux.
Pour l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal, Tulinabo S. Mushingi, les Forces spéciales des Marines travaillent « dans la transparence » dans le cadre d’un « partenariat gagnant-gagnant » avec les Forces armées sénégalaises. Un partenariat qui s’était exprimé quelques jours plus tôt lors, le 19 juillet, lorsque le navire de transport rapide de troupes expéditionnaires USNS Carson City a quitté la capitale sénégalaise pour le Golfe de Guinée dans le cadre d’un exercice de 5 jours intitulé « Africa Partnership Station ». Les forces américaines ont là aussi réalisé avec leurs partenaires de la marine sénégalaise des missions de formation portant notamment sur la maintenance et la logistique des patrouilleurs, l’arraisonnement de navires et la planification d’urgences médicales en mer.
L’été dernier, c’est sur le plan matériel que la coopération sénégalo-américaine fut fructueuse : l’armée sénégalaise avait alors reçu 2 200 exemplaires de carabines Colt M4A1, successeurs du célèbre M16. Ces armes – et l’entraînement à leur usage – avait été demandées par les Forces armées du Sénégal avant leur déploiement dans le cadre de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali). Cette commande considérée comme prioritaire par le commandement américain avait été livrée dans un délai record de 2 mois ; les délais standards variant de 24 à 30 mois.
En Afrique, les États-Unis préfèrent la qualité à la quantité
Ces séquences de coopération-formation avec les forces locales répondent à une stratégie globale du Pentagone : réduire de plusieurs centaines d’hommes la présence militaire américaine sur le continent africain – actuellement estimées à 2000 hommes – tout en concentrant l’effort humain et logistique sur la zone sahélienne. Une logique qui a amené le nouveau commandant de l’US Army Africa, le major général Roger Cloutier Jr., à déclarer que l’amélioration de la mise sur pied et de l’entraînement des forces interarmées pourrait passer par le déploiement d’une Brigade d’assistance aux forces de sécurité, ou SFAB (Security force assistance brigade) sur le continent. Moins de troupes, mais un déploiement plus efficace avec notamment une coopération plus approfondie avec les armées africaines. Pour les États-Unis, la région est en effet un front majeur de la guerre contre le terrorisme menée à l’échelle mondiale. Un front qui se situe au Sahel donc, mais aussi dans des zones avoisinantes comme la Somalie, la Libye et lac Tchad.
Dans cette optique, le choix du Sénégal est tout sauf anodin. D’un point de vue géographique tout d’abord : situé à l’extrémité ouest du Sahel tout en bénéficiant d’un accès à la mer – ce qui facilite grandement le transport de troupes et de matériels – le Sénégal est également voisin du Mali, victime depuis 2012 de l’insurrection de groupes djihadistes dans le Grand Sahara dont notamment AQMI et l’État islamique. Le Sénégal est quant à lui épargné par le terrorisme, d’autant plus depuis que la Casamance a été pacifiée. Les États-Unis font également le choix d’une démocratie politiquement stable et économiquement solide. Avec une croissance supérieure à 6 % depuis 2015, ce pays de 16 millions d’habitants fait figure de modèle de développement pour l’Afrique de l’Ouest, dont il est la 4ème puissance économique. Un partenariat stratégique à de nombreux points de vue donc, qui devrait permettre aux États-Unis de peser face aux appétits de la Chine sur un continent qu’ils avaient jusqu’à présent relativement délaissé.
Une situation résumée clairement par l’ambassadeur Mushingi: « le Sénégal et les États-Unis sont de bons partenaires et devront continuer à travailler ensemble. Nous sommes dans le même bateau en ce qui concerne la sécurité ».