Le modèle allemand plombé par la crise ukrainienne

Le modèle allemand plombé par la crise ukrainienne

Récession technique, inflation, chute des exportations, délocalisations… Les nuages s’amoncellent sur l’économie allemande qui doit réadapter son modèle après les sanctions mises en place contre la Russie.

Sombres perspectives pour l’économie allemande. En témoigne le nombre de défaillances d’entreprises qui a augmenté de 23,8% en juillet par rapport au même mois l’année dernière. En outre, le nombre de grandes entreprises ayant annoncé leur fermeture au cours du premier semestre 2023 a également augmenté de 12,4 % par rapport aux années précédentes.

L’Allemagne est entrée en récession

Autre indicateur alarmant : presque la moitié des patrons allemands d’ETI envisage de délocaliser leur site de production. Selon le rapport publié le 6 juin par la confédération patronale allemande, Bundesverband der deutschen Industrie (BDI), 16 % des entreprises sont déjà en train de délocaliser activement des parties de la production et des emplois à l’étranger et 30% supplémentaires y songent concrètement.

Des données qui font état d’un situation économique de plus en plus tendue outre-Rhin où le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une dégradation du PIB, alors que l’inflation reste élevée (6,2 %). De fait, avec un PIB en baisse pour le deuxième trimestre consécutif (-0,3 % entre janvier et mars, après un premier recul de 0,5 % entre octobre et décembre 2022), l’Allemagne a d’ores et déjà basculé en récession technique.

Une industrie à la peine

Pour couronner le tout, l’Office fédéral allemand des statistiques a annoncé début août que la production industrielle avait chuté de 1,5 % en juin par rapport à mai. En mars, cette dernière avait déjà chuté de 3,3%, conséquence notamment du net recul de la construction automobile, touchée de plein fouet par les réductions de primes à l’achat de nouveaux véhicules électrique ou hybrides rechargeables.

Trop dépendante aux importations d’énergie russe, l’Allemagne a été particulièrement touchée par les sanctions mises en place contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Les prix de l’énergie ont flambé et dopé une inflation déjà très soutenue. Le ralentissement économique allemand a d’autres explications, plus structurelles, comme sa dépendance à l’égard des exportations, en particulier dans le secteur manufacturier, central pour le modèle économique allemand, le manque d’investissements et une pénurie de main-d’œuvre.

Des problèmes structurels accentué par la crise ukrainienne

Mais tous ces problèmes ont été accentué par la crise ukrainienne qui a mis à mal un des piliers de son écosystème : l’accès à une énergie bon marché. Selon le spécialiste de l’Allemagne, Edouard Husson, « la crise déclenchée par la guerre d’Ukraine montre les limites de la façon traditionnelle de fonctionner entre gouvernement et entreprises en Allemagne : Depuis 70 ans, les entreprises se contentaient de réclamer du gouvernement un cadre adéquat pour le déploiement national et international de leur activité ».

C’est ce qu’on appelle l’ordolibéralisme, un courant de pensée qui attribue à l’Etat le rôle de garantir une concurrence libre et non faussée. Or, force est de constater qu’en fermant l’accès privilégié de ses entreprises au gaz et aux hydrocarbures russes, le gouvernement a remis en cause ce mode de fonctionnement, clé de sa réussite économique depuis des décennies. Un choix qu’il doit désormais assumer. « Si le gouvernement ne prend pas de mesures décisives, l’Allemagne devrait rester au bas du tableau de la croissance dans la zone euro », explique ainsi Ralph Solveen, économiste à la Commerzbank, cité par l’agence de presse Reuters.

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