La Chine brandit la menace des terres rares

Le bras de fer entre la Chine et les Etats-Unis, sur fond de lutte féroce pour conserver le leadership économique, ne faiblit pas. Selon un média japonais, Xi Jinping et son administration réfléchissent à limiter les exportations de technologies liées aux terres rares et à l’une de leurs principales applications : les aimants. A terme, c’est tout le secteur des technologies qui se trouve menacé.

Les nuages s’amoncellent sur les relations entre les Etats-Unis et la Chine. Les menaces répétés de Pékin sur Taïwan, d’un côté, et la guerre économique menée par Washington contre le géant asiatique de l’autre, rapprochent chaque jour un peu plus les deux protagonistes d’un point de non-retour aux conséquences potentiellement désastreuses pour le planète entière.

Vers une limitation des exportations de technologies liées aux terres rares ?

On connaît la guerre des semi-conducteurs que l’administration Biden impose à Pékin, les Etats-Unis cherchant par tous les moyens à retreindre les exportations de puces avancées ou de matériels permettant de les fabriquer vers la Chine afin de freiner ses progrès technologiques en matière civile et militaire. Ce moyen de pression pourrait cependant se retourner contre son auteur. La Chine dispose en effet elle-aussi d’une arme capable de mettre des pans entiers de l’industrie occidentale à genoux : la maîtrise de l’extraction des terres rares, ces métaux utilisés dans tous les produits technologiques du quotidien et qui servent aussi de matériaux de base pour la production de semi-conducteurs.

Selon le média japonais Nikkei, la Chine envisagerait ainsi de limiter les exportations de technologies liées aux terres rares et à l’une de leurs principales applications : les aimants haute performance utilisés notamment dans les véhicules électriques, les éoliennes mais aussi dans l’industrie aéronautique et militaire.

Pour ce faire, les ministères chinois du Commerce et de la Technologie prévoiraient d’apporter des modifications à une liste de restrictions et d’interdictions à l’exportation déjà mise à jour en 2020. Ces dernières concerneraient les technologies permettant de traiter et de raffiner les terres rares ainsi que les technologies d’alliage pour la fabrication d’aimants à haute performance dérivés de terres rares. Deux domaines dans lesquels la Chine excelle depuis des décennies.

Une arme dans les mains des dirigeants chinois

De fait, les terres rares, qui forment une famille de dix-sept éléments chimiques aux propriétés électromagnétiques et électrochimiques exceptionnelles, ne sont pas réparties de façon homogène sur la planète. En outre, elles ne sont pas exploitables partout où il s’en trouve car leur extraction nécessite un outil industriel particulièrement développé. Abandonnée par les Occidentaux en raison de son coût environnemental, la production de terres rares est devenue une spécialité chinoise. En 2010, 98% des terres rares du marché était produite dans l’Empire du Milieu, principalement dans des mines en Mongolie intérieure et dans la province du Jiangxi. Cette situation de quasi-monopole est une arme entre les mains des dirigeants chinois qui l’utilisent parfois en imposant des quotas d’importation à leurs voisins.

Les Occidentaux ont commencé à prendre la mesure du problème en 2010, quand Pékin a agencé un embargo informel contre Tokyo afin d’obtenir la libération du capitaine d’un chalutier chinois détenu au Japon.

« La petite phrase » d’Emmanuel Macron

Depuis cette première alerte, Washington a notamment pris des mesures pour créer une chaîne d’approvisionnement en terres rares sur le sol américain. La part de la Chine dans la production de terres rares est tombée à environ 70 % l’année dernière, selon l’U.S. Geological Survey. Mais la Chine garde la main sur le traitement des métaux. La plupart des terres rares extraites aux États-Unis sont ainsi raffinées en Chine avant d’être réexpédiées aux outre Atlantique.

Ainsi, si la Chine décidait d’utiliser le levier des terres rares pour peser sur les Américains, tout le secteur des technologies pourrait s’en trouver affecté. A cet égard, la « petite phrase » d’Emmanuel Macron à bord de l’avion qui le ramenait de Canton à Paris, le 8 avril dernier, se trouve éclairée d’un nouveau jour. Le président français avait déclaré que « le grand risque » pour le Vieux Continent « serait que nous nous mettions à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique » et que nous nous retrouvions « entraîné dans des crises qui ne sont pas les nôtres, ce qui nous empêcherait de construire notre autonomie stratégique ».

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