Publication: 16/12/2020
Pour convaincre le Maroc de renouer des relations diplomatiques avec Israël – et isoler un peu plus l’Iran du monde arabe – Donald Trump a offert le dossier du Sahara occidental au royaume chérifien. Un « cadeau de mariage » qui pourrait engendrer de nombreuses retombées économiques et qui fait bouger les lignes de conflits gelés depuis plusieurs décennies.
Ce sera sans doute l’une des dernières surprises sorties de sa hotte par Donald Trump à quelques jours de Noël et à quelques semaines de la fin de son mandat. Après le Soudan, Bahreïn et les Émirats arabes unis, le Maroc va à son tour normaliser ses relations avec Israël.
En l’espace de quatre mois, le royaume chérifien est ainsi le quatrième pays arabe à reconnaître l’Etat hébreu. Ce jeudi 10 décembre, sur Twitter, le président américain a parlé de « percée énorme pour la paix au Moyen-Orient ». Dans le même temps, il annonçait la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, zone contestée par le mouvement indépendantiste du Front Polisario. Un « deal » diplomatique qui aura été la marque de fabrique du futur ex-président des Etats-Unis en matière de politique internationale.
Coïncidence pour le moins troublante, cette double annonce intervient un mois après l’intervention des Forces armées royales à Guerguerate, dans l’extrême sud-ouest du Sahara occidental, où elles ont délogé des militants qui bloquaient la seule route vers la Mauritanie. Toujours considéré comme un « territoire non autonome » par les Nations unies, la question du statut de ce vaste territoire désertique oppose depuis des décennies Rabat aux indépendantistes sahraouis soutenus par l’Algérie. Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination, prévu par l’ONU, tandis que le Maroc, qui en contrôle plus des deux tiers, propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté. Si la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par les Etats-Unis ne règle pas définitivement la question, elle semble pour le moins sceller le sort de cette ancienne colonie espagnole reconquise pacifiquement par les Marocains lors de la Marche verte de 1975.
Contenir l’influence iranienne
Elle permet surtout à Donald Trump de consolider la position qui a toujours été la sienne : contenir l’influence iranienne en poussant les pays arabes à établir des relations diplomatiques avec Israël, pivot stratégique de cette ambition. Après les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Soudan, la reconnaissance de l’Etat hébreu par le Maroc – et probablement, rapidement, par la Mauritanie et d’autres pays du continent – entérine cette nouvelle donne géopolitique.
Quant au Maroc, la question de la normalisation de ses relations avec Israël est un vieux serpent de mer. En 1994, le roi Hassan II avait rétabli des rapports diplomatiques de « basse intensité », faisant du Maroc le troisième pays arabe à l’époque – après l’Égypte et la Jordanie — à établir des relations formelles avec Jérusalem. Mais Mohammed V les avait rompus le 21 octobre 2000, juste après le déclenchement de la seconde Intifada, pour marquer le soutien du royaume aux Palestiniens. Depuis, même si le souverain a réaffirmé que le Maroc privilégie toujours une solution au conflit israélo-arabe fondée sur deux États vivant côte à côte, l’eau a coulé sous les ponts. La nouvelle constitution du royaume, adoptée en 2011, consacre la richesse et la diversité des composantes spirituelles et culturelles du Maroc, y compris hébraïque. De fait, les liens entre les deux pays sont anciens. Quelque 700 000 israéliens sont d’origine marocaine. Ils sont d’ailleurs les seuls du monde arabe à pouvoir se rendre dans leur pays natal.
Des retombées économiques juteuses
Preuve s’il en ait que les questions palestiniennes et saharaouies ont considérablement perdu leur influence, les observateurs spéculent essentiellement sur les retombés économiques de l’accord, tant du côté américain que du côté marocain. Selon un communiqué du cabinet royal, ce dernier prévoit ainsi « l’ouverture d’un consulat [américain] à Dakhla, à vocation essentiellement économique, en vue d’encourager les investissements américains et de contribuer au développement économique et social, au profit notamment des habitants des Provinces du Sud ». Depuis plusieurs années déjà, les Marocains veulent faire de la ville sahraouie de Dakhla et de son port industriel un « Dubaï africain ». Ils travaillent pour ce faire à la mobilisation de trois milliards de dollars d’investissements. Plus au nord, Laâyoune, est également une ville au potentiel industriel important. Les Émirats arabes unis et la Jordanie y ont d’ailleurs récemment annoncé l’ouverture de leurs propres consulats. Riche de ressources en poissons, en bétail, en minéraux et en pétrole, la région toute entière serait un « futur eldorado des investisseurs américains », d’après le site d’informations marocain Le 360. En outre, elle est une porte d’entrée vers les marchés africains où de grands projets américains pourraient rapidement se concrétiser.
Reste le cas de l’Algérie, soutien de la première heure du Polisario et dont les relations avec le voisin marocain sont tendues. « Comme on peut l’imaginer, écrit Le 360, la stupeur et le désespoir du régime algérien sont à leur comble », car « l’homme malade du Maghreb doit prendre le train en marche, et faire définitivement le deuil d’un État fantôme qui lui aurait servi de marchepied vers l’Atlantique ». Dur constat qui passe cependant sous silence les retombées potentiellement explosives de cet accord au sein même de la population marocaine. Les principaux groupes islamistes du pays ont d’ores et déjà dénoncé l’accord de normalisation et des manifestations ce dimanche à Rabat ont été réprimées par les forces de l’ordre.
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