Liban : comment a commencé cette descente aux enfers ? Episode 1

Crise au Liban

Alors que le Liban sombre dans une crise effrayante, et cela à tous les niveaux, Jack. M, avocat à Beyrouth, revient, sous couvert d’anonymat, dans un plaidoyer poignant sur la situation d’un Etat en perdition et gangréné par la corruption. 

« Le feu s’est déclenché dans les forêts de Aramoun, il s’est étendu sur toutes les surfaces boisées de la région avant de s’attaquer aux habitations et provoquer la mort de nombreuses personnes. De plus, un nombre élevé de blessés a été déploré, les victimes brûlées à des degrés divers avant que les pompiers et la Défense Civile n’interviennent pour réaliser qu’ils ne pouvaient pas lutter : les pompes étaient détériorées, les citernes à sec et les Canadairs offerts par une nation bienveillante apparemment, hors d’usage. Négligence, manque de moyens, incurie des autorités, la désinvolture à l’égard de la population et des dangers qu’elle pourrait avoir à affronter est une pratique fort courante dans le pays des Cèdres (maintenant bien chétifs). Simultanément, le ministre des PTT ne trouva pas mieux que de vouloir taxer WhatsApp, décidée gratuite par ses créateurs, ce fut la goutte d’eau (qui manquait aux citernes).

Ces évènements qui ne sont que les prémices de ce qu’à dû subir les Libanais, a entraîné des manifestations monstres, où toutes les strates de la société se côtoyaient dans une atmosphère somme toute, bon enfant. Je me souviens d’une fête de l’indépendance qui rivalisait avec l’officielle, peureuse, qui s’était déroulée au Ministère de La Défense. À la place des Martyrs, le défilé du peuple sinuait dans la foule euphorique, depuis les vétérans de l’Armée jusqu’au enfants qui tous déployaient des bannières réclamant le départ de toute la classe politique, toute, sans exception ! Il y avait des buffets, des tentes, et des drapeaux à foison qui voletaient dans la brise de ce 22 Novembre.

Le peuple baignait encore dans l’optimiste, fort de son histoire récente : ne s’était-il pas débarrassé des Syriens après une manifestation de grande ampleur ! Tout était possible, à portée de main, de volonté aurait-on pu penser. C’était sous-estimer l’avidité, le désir incommensurable de puissance, le pouvoir de nuisance qui animent la classe dirigeante. Loin de céder à la volonté d’un peuple, bien loin… Ils firent intervenir l’armée, et quand celle-ci rechignait à la tâche, les milices de certains seigneurs féodaux se chargeaient d’évacuer les manifestants sans ménagements. À la télé, on pouvait contempler avec désolation, des places fumantes de gaz lacrymogène, éclairés des néons de la ville (il y avait encore de l’électricité) et quelques rares irréductibles pourchassés par les sbires des hommes au pouvoir. Adieu révolution modèle sans effusions de sang. Là où la Syrie avait échoué, les sans scrupules ont réussi. Ils nous ont fait plié. »

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