
La guerre des puces entre les Etats-Unis et la Chine repart de plus belle. Washington cherche par tous les moyens à couper l’herbe sous les pieds de Pékin sur le marché des semi-conducteurs avancés.
Bien que la Chine soit le plus grand fabricant de téléphones et d’ordinateurs, ce sont essentiellement des entreprises américaines qui contrôlent toujours la technologie des semi-conducteurs. Et les États-Unis ont décidé de mettre fin aux transferts de technologie qui ont longtemps prévalu entre des sociétés américaines spécialisées dans la conception et des entreprises chinoises qui se chargeaient de les fabriquer en grand nombre pour leur industrie très gourmande en composants électroniques.
Un accord US, Pays-Bas, Japon
Les autorités américaines ont ainsi obtenu fin janvier du Japon et des Pays-Bas une nouvelle limitation des exportations de matériels visant à produire les semi-conducteurs en Chine. Selon l’agence Bloomberg, cet accord concernerait notamment l’entreprise néerlandaise ASML, l’un des leaders mondiaux de la fabrication de machines de photolithographie, essentielles à la fabrication de certains types de puces avancées et sans lesquelles la mise en place de lignes de production est impossible. De son côté, le Japon imposera des limites similaires à Nikon Corp.
L’année dernière, la Chine avait déposé plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), après l’annonce par l’administration Biden, le 7 octobre 2022, d’une série de directives visant à limiter l’exportation de puces avancées et des équipements permettant de les produire avec du matériel américain, mais aussi à interdire aux fournisseurs et citoyens américains d’apporter leur assistance aux entreprises en Chine dans le développement et la production des puces faisant l’objet de ces restrictions.
Des plaintes à l’OMC
Elle est repartie à la charge début avril pour contester ces nouvelles restrictions, les estimant incompatibles avec les articles régissant le commerce entre les États membres. Les décisions de l’organe de règlement des différends peuvent faire l’objet d’un appel auprès de l’OMC. Mais le fonctionnement de la cour d’appel de l’Organisation est toujours bloqué par les Etats-Unis qui s’opposent au remplacement des juges arrivés en fin de mandat. Résultat : les plaintes à l’OMC contre Washington n’ont aucune chance d’arriver à leur terme. Et encore moins celles de la Chine.
Dans ce contexte, l’enquête ouverte par les autorités chinoises contre Micron Technology, fabricant et fournisseur historique de la Chine, ressemble fortement à une mesure de représailles. Officiellement, il s’agit de s’assurer que les puces mémoires commercialisées par le groupe américain ne présentent pas de « risques de sécurité ». Micron, qui réalise 11% de son chiffre d’affaires en Chine, joue gros. Un avis négatif serait un coup dur pour l’entreprise américaine, numéro trois du secteur derrière les coréens Samsung et SK Hynix. Elle traverse en effet une période difficile en raison de la chute des ventes de produits électroniques, le secteur étant touché par une importante crise de surproduction qui se traduit par une baisse de la demande et des prix.
Pas souverain avant au moins 10 ans
Côté Chinois, le risque est calculé. Les autorités veulent inciter leurs propres industriels à augmenter leur production de semi-producteurs pour réduire la dépendance du pays aux entreprises étrangères. Pour ce faire, il doit desserrer l’étau mis en place par Washington tout en préservant son approvisionnement. Le marché chinois consomme en effet la moitié de la production mondiale de semi-conducteurs mais n’en fabrique a l’heure actuelle que 15%.
En outre, l’industrie chinoise ne maîtrise pas la fabrication des semi-conducteurs de pointe, comme les cartes mémoires. Pékin dépend donc encore largement des principaux fabricants, qu’ils soient japonais, coréens, taïwanais ou américains. Selon les estimations les plus optimistes, la Chine na sera pas souveraine en la matière avant dix ans.