
La guerre économique entre Washington et Pékin franchi un nouveau cap. Le 7 octobre, quelques jours avant la réélection de Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois, le département du commerce américain a dévoilé une liste de nouvelles restrictions imposées par les Etats-Unis sur les exportations de semi-conducteurs vers la Chine.
Une offensive tous azimuts
Dans le détail, les Etats-Unis ou tout autre pays utilisant des technologies américaines ne peuvent plus exporter de produits dans le secteur des semi-conducteurs, qu’il s’agisse des puces elles-mêmes ou des équipements pour les produire, à des entreprises chinoises.
Jusqu’ici cantonnée à des entreprises placées sur liste noire en vertu de l’extraterritorialité du droit américain, en particulier Huawei (et ZTE pendant un temps), cette législation restrictive touche donc dorénavant toute entité chinoise voulant importer certains produits et logiciels américains, les obligeant à obtenir une licence – une présomption de refus a même été mise en place. Par ailleurs, elles interdisent à toute « personne américaine » de participer au développement, à la production ou à l’utilisation de circuits intégrés dans une usine chinoise de puces électroniques. Particulièrement drastique, la mesure concerne les citoyens américains, les résidents aux Etats-Unis et les détendeurs d’une « carte verte », celle de résident permanent.
Limiter les capacité de développement technologique de la Chine
Pour l’administration américaine, qui a bien noté la vulnérabilité de l’Empire du Milieu sur ce sujet pendant la pandémie, l’objectif affiché vise à limiter les capacité de développement technologique de la Chine, non seulement en l’empêchant d’obtenir des puces, mais aussi de fabriquer elle-même des composants avancés.
D’après les Américains, ces derniers sont notamment utilisés par les Chinois pour produire des systèmes militaires, comme des « armes de destruction massive » ou des « systèmes militaires autonomes ». Selon la secrétaire adjointe au commerce, « nos actions protègeront la sécurité nationale et les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis, tout en envoyant un message clair selon lequel le leadership technologique américain est une question de valeurs et d’innovation ».
De son côté, Taïwan, l’un des principaux fournisseurs de puces à la Chine, a reçu le message cinq sur cinq. La ministre de l’économie de l’île chinoise, objet de vives discordes entre les deux super puissances, a ainsi assuré que les entreprises taïwanaises respecteraient les contrôles américains à l’exportation.
Un rude coup pour l’industrie chinoise
Pour l’industrie chinoise, le coup est rude. 90% des puces qu’elle utilise sont importées où fabriquées localement mais par des fournisseurs étrangers. Pour autant, le gouvernement avait anticipé l’attaque américaine en investissant dans ce secteur stratégique dès 2015 à travers son programme « Made in China 2025 » destiné à réduire la dépendance de la Chine aux technologies étrangères et à promouvoir les fabricants chinois de technologies sur le marché mondial.
Quelque 150 milliards de dollars ont ainsi été posés sur la table afin de stimuler la recherche, notamment sur les systèmes militaires et les supercalculateurs. Ses capacités en la matière n’en demeurent pas moins encore limitées. Il faut dire que le pays absorbe 60% des semi-conducteurs produits dans le monde et que toute sa production locale repose aujourd’hui sur des machines-outils importées de l’étranger.
Cette guerre technologique autour du secteur des semi-conducteurs, visant à entraver l’industrie militaire chinoise, risque également d’impacter les exportations mondiales de l’Empire du Milieu et partant, de paralyser les marchés mondiaux d’équipements électroniques.