
La diminution des exportations de gaz sibérien vers l’Europe et le projet d’embargo sur le pétrole russe provoquent une spéculation des marchés et une hausse des prix de l’énergie. Les sanctions occidentales contre le Kremlin sont pour l’instant bénéfiques à la Russie et affaiblissent une Europe divisée sur le sujet.
Rares sont les fois où la dimension symbolique d’une situation géopolitique aura été autant contredite par l’économie. Plus de six mois après le début de la guerre en Ukraine, les sanctions prises contre Moscou tardent à démontrer leur efficacité. Pire, elle semble surtout se retourner en partie contre leurs instigateurs Occidentaux, victimes notamment de la flambée des prix de l’énergie.
De fait, les sanctions imposées sur les exportations d’hydrocarbures russes n’ont pas l’effet escompté. Au contraire, elles remplissent les caisses du Kremlin tout en affaiblissant la France et l’Europe à l’approche de l’hiver.
Un chantage à l’énergie
Et Moscou à pour le moment toutes les cartes en main. Le 28 août, Gazprom, le géant gazier russe, annonçait une interruption de ses livraisons via Nord Stream 1 pour trois jours. Officiellement, pour des travaux dans une station de compression de ce gazoduc qui relie directement les champs gaziers sibériens au nord de l’Allemagne, d’où le gaz est ensuite exporté à d’autres pays européens. Mais, depuis, la gazoduc n’a toujours pas repris du service, Gazprom évoquant des « fuites d’huile » dans une turbine empêchant son redémarrage. « Pas une raison suffisante pour arrêter les opérations », a estimé dans un communiqué le fabriquant Siemens Energy, tandis que la Commission européenne accuse le Kremlin d’un chantage à l’énergie.
Après des interruptions d’activité, le flux de gaz via Nord Stream 1 avait déjà été réduit à 40 % de ses capacités en juin puis à 20 % le mois suivant . Moscou justifie ces baisses par l’absence d’une turbine envoyée au Canada pour réparation et qui ne pourrait lui être restituée en raison des sanctions occidentales. L’Allemagne, où se trouve aujourd’hui la turbine, assure que c’est Moscou qui bloque son retour.
La Russie joue avec les nerfs de l’Europe
Quoi qu’il en soit, la Russie joue avec les nerfs des Européens. Ainsi, alors que l’Union européenne tente de se défaire le plus rapidement possible de sa dépendance énergétique à la Russie, la Hongrie a annoncé se faire livrer plus de gaz que les quantités initialement prévues dans le contrat noué avec Gazprom…
Et les frictions se multiplient entre la France et l’Allemagne sur le nucléaire, l’approvisionnement commun en gaz ou le projet de construction d’un pipeline reliant la péninsule ibérique au centre de l’Europe que l’Allemagne et l’Espagne appellent de leurs vœux mais que la France rejette pour le moment.
40% de recettes en plus pour la Russie
En attendant, grâce à son gaz et son pétrole, la Russie n’a jamais autant engrangé de recettes que depuis son invasion de l’Ukraine. 97 milliards d’euros depuis le début de l’année, soit 40% de plus que l’année dernière pour la même période. D’abord parce que les européens continuent à se fournir en partie en Russie, faute de mieux. Ensuite, parce que d’autres acheteurs de pétrole et de gaz russes sont apparus depuis le début du conflit, comme l’Iran, l’Inde, la Chine, l’Arabie Saoudite ou la Turquie, et que les prix ont fortement augmenté, en moyenne de 10%. L’Inde est par exemple passée de 0 à 1 million de barils par jour.
Au mois de juin, Vladimir Poutine observait que « le résultat des actions chaotiques de nos partenaires a été une hausse des revenus du secteur des hydrocarbures », estimant néanmoins que les changements sur le marché pétrolier étaient de « nature tectonique ». Elles nécessiteront à court terme une profonde réorganisation du commerce mondial des hydrocarbures avec la nécessité, pour les Occidentaux, de trouver de nouveaux fournisseurs et, pour Moscou, de nouveaux clients.