
La France qui assure la présidence de l’Union européenne, veut promouvoir le mécanisme du PIIEC. Plusieurs programmes ont d’ores et déjà été lancés tandis qu’un nouveau projet de cloud souverain européen vient de voir le jour.
Le sujet a été mis sous le boisseau par la crise ukrainienne. Il revêt pourtant un intérêt stratégique majeur pour l’avenir de l’Union européenne. Le 8 février dernier, 12 Etats membres ont affirmé leur souhait de lancer un PIIEC (Projet Important d’intérêt Européen Commun) pour développer un Cloud souverain en Europe. Il s’agit de l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovénie, la République Tchèque et la France qui envisage d’apporter au projet, estimé à 7 milliards d’euros, une enveloppe de 300 millions d’euros.
S’affranchir de la tutelle américaine
Le premier objectif de ce projet est de garantir protection et sécurisation des données aux utilisateurs européens. La grande majorité des hébergeurs web dans le cloud sont en effet détenus aujourd’hui par des sociétés américaines, les GAFAM se partageant le marché européen à hauteur de 70%. Elles sont donc soumises au Cloud Act, la loi fédérale des États-Unis sur l’accès aux données de communication qui oblige les fournisseurs à divulguer toutes les informations en leur possession sur simple demande de la justice américaine, que ces données soient hébergées aux Etats-Unis ou dans des pays tiers. En clair, Washington peut légalement espionner toute entreprise qui stocke des informations dans des bases de données d’entreprises américaines, ce qui viole le règlement général sur la protection des données (RGPD) en vigueur dans l’Union européenne.
L’autre objectif, plus commercial, est de concurrencer les mastodontes du secteur comme Google ou AWS et de réduire la dépendance européenne aux entreprises américaines. Enfin, l’émergence d’un cloud souverain européen offrirait aux utilisateurs davantage de liberté et de maîtrise sur leurs données.
Des programmes déjà lancés
Le PIIEC est un mécanisme qui vise à promouvoir l’innovation dans les domaines industriels stratégiques au travers de projets européens transnationaux. Fondé sur la coopération, il permet aux Etats qui le souhaitent de financer en commun des initiatives hors des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’Etat. Dès 2019, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, l’UE s’était engagée dans la construction d’alliances industrielles dans les batteries électrique. L’objectif ? Développer l’innovation et d’accélérer l’industrialisation dans tous les segments du processus de fabrication des batteries.
Depuis, deux autres PIIEC ont vu le jour. Le premier, porté par 22 Etats membres plus la Norvège, dans le domaine de l’hydrogène. Il s’agit de développer les technologies de transition vers une économie bas carbone. La France y participe à hauteur de 1,9 milliards d’euros. Le second, dans la santé, pour favoriser les biotechnologies de pointe en relocalisant par exemple en Europe la production de certains actifs stratégiques, aujourd’hui majoritairement produits en Asie (Paris participe à hauteur de 1,5 milliards d’euros).
8 milliards d’euros consacrés aux PIIEC par la France
La France, qui préside l’UE pour 6 mois, pèse enfin de tout son poids pour accélérer le développement d’un PIIEC portant sur l’électronique et les semiconducteurs. Enjeu stratégique et financier majeur, ce dernier, lancé en 2019, doit permettre « de continuer à avancer dans la recherche pour maîtriser les semiconducteurs à la gravure la plus fine possible et c’est en même temps développer les capacités dont ont besoin nos industriels », selon le ministre de l’Economie français, Bruno Le Maire. De nouvelles générations de composants électroniques sont d’ores et déjà attendues pour la fin de l’année 2022. Elles devraient permettent notamment de répondre aux besoins des marchés de l’automobile, des communications 5G, des objets connectés et de l’intelligence artificielle embarquée, de l’aérospatial et de la sécurité.
Pour ce programme Nano 2022, la composante française de ce PIIEC (qui réunit également l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Autriche), Paris mobilise près de 900 millions d’euros. Au total, la France dédie 8 milliards d’euros pour soutenir les PIIEC.