Qui sont les hommes de main de Kabila ?

Cela fait désormais seize ans que Joseph Kabila Kabange dirige la République démocratique du Congo. Cela fait donc désormais seize ans qu’il a promis de mener le pays vers la démocratie. Mais il refuse d’organiser des élections et céder le pouvoir. Qui le soutient ? Qui sont les rouages-clefs du « système Kabila » ?

 

Les scandales de corruption incriminant Joseph Kabila se suivent et se ressemblent. L’ONG Global Witness, le Groupe d’Étude sur le Congo (GEC), les médias Le Soir, La Libre Afrique, Afrikarabia, Reuters… On ne compte plus les institutions ayant dénoncé les abus commis par celui qui dirige la RDC d’une main de fer depuis 16 ans et qui aujourd’hui refuse de céder le pouvoir.

Mais Joseph Kabila n’agit pas seul. Les noms de ses principaux collaborateurs ainsi que le rôle qu’ils jouent dans la vaste entreprise de répression et pillage mise à l’œuvre en RDC sont de plus en plus exposés au grand jour. Trois noms retiennent particulièrement l’attention de la communauté internationale.

Kalev Mutondo est celui dont le rôle au sein du gouvernement pourrait être à la fois le plus obscur et le plus important. « La main tueuse de Kabila » est, comme son surnom le laisse deviner sans peine, l’un des hommes les plus craints de Kinshasa. Nommé administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR) en 2011, l’organisation est accusée d’organiser les arrestations et la torture des opposants. Plus influent que le Premier ministre, il aurait toute la confiance de Kabila et il aurait joué un rôle déterminant dans l’intimidation de certains juges et le jugement de certains opposants.

En 2016, Washington a interdit toute transaction avec cet homme et a ordonné le gel de ses comptes aux États-Unis pour son « rôle dans l’empêchement du processus démocratique », « la surveillance, l’arrestation et la torture d’opposants » et d’éventuelles « exportations illégales de minerais ». Kalev Mutondo partage avec sept de ses compatriotes le douteux privilège d’être l’un des premiers proches de Kabila à être accusé par Bruxelles de participer à« des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ».

 

« Je me fous des sanctions »

Mais il n’en a que faire. « Je me fous des sanctions », avait-il déclaré à la presse l’an dernier. « Je n’ai pas une aiguille aux États-Unis et aucun projet de voyage en Amérique du Nord ou en Europe », avait-il ajouté. M. Mutondo est en effet également soupçonné par les autorités américaines « de menacer les institutions et de nuire au processus démocratique ».

Deuxième personnalité parmi les plus influentes auprès de Kabila, Alexis Thambwe Mwamba, le ministre congolais de la Justice, est pour sa part poursuivi par la justice belge. Une plainte pour crime contre l’humanité a en effet été introduite contre lui par l’avocat Alexis Deswaef. Ce dernier représente plusieurs familles de victimes d’un drame pouvant être assimilé à un acte terroriste. En 1998, un avion civil est abattu près de Kindu (dans l’est du pays) par le mouvement rebelle RCDE/Goma, dont Thambwe Mwamba était un haut cadre. L’explosion de cet aéronef civil a causé la mort de 50 personnes, dont 7 membres de l’équipage.

Mais ce n’est pas tout. Avec Kalev Mutondo, le ministre de la Justice est également poursuivi aux États-Unis dans le cadre d’une plainte pour « torture » déposée le 29 juillet devant la Cour du district de Washington DC. par Darryl Lewis, l’ancien conseiller en sécurité américain de l’opposant congolais Moïse Katumbi. Arrêté le 24 avril 2016 à Lubumbashi, dans le sud de la RDC, Lewis affirme avoir subi de mauvais traitements dans le but de lui extorquer de faux aveux pendant sa détention.

 

Avenir sombre

Enfin, Néhémie Mwilanya Wilondja, le directeur de cabinet de Joseph Kabila, est lui aussi scruté de près. Il a notamment supervisé la mise en place de la Cour constitutionnelle et l’on dit qu’il aurait su gagner la confiance de Kabila en dénonçant ses supérieurs et son entourage.

Une source proche du directeur de cabinet, qui a requis l’anonymat, a confirmé à la rédaction du Katanga Post que Néhémie Mwilanya Wilondja aurait un rôle particulier dans « le système Kabila » : acheter le silence et le calme d’une partie de l’opposition politique. Joseph Olenghankoy, l’une des figures politiques de la République Démocratique du Congo, aurait ainsi reçu près d’un million de dollars. D’ailleurs, dans un portrait publié en août 2017, Jeune Afrique le qualifiait justement « d’opposant, mais pas trop », et rappelle que le virulent tribun a considérablement assagi son discours à l’égard de la présidence ces derniers mois.

Le clan Kabila semble avoir mis sur pied un système redoutable et pyramidal. Une organisation qui lui permettrait de manier efficacement la carotte (la corruption) et le bâton (la répression). La Justice internationale et la presse peinent encore à faire toute la lumière sur ce vaste système de spoliation du pays, mais la pression se fait de plus en plus forte sur le régime de Kinshasa. Pour préserver leurs privilèges, Kabila et ses proches semblent pour l’instant miser sur une montée aux extrêmes et une dégradation de la situation.

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