
Les récents autodafés du Coran provoquent des remous dans les pays musulmans et poussent la Suède et le Danemark à légiférer pour interdire ces actions récurrentes. Au risque de heurter les principes de la liberté d’expression parfois inscrits, comme au Danemark, dans leur constitution.
Les autodafés du Coran perpétrés ces derniers jours au Danemark et en Suède font ressurgir le spectre d’une grave crise diplomatique entre ces pays scandinaves et plusieurs pays arabes, à l’instar de la tempête créée en 1995 par la publication de caricatures de Mahomet dans le journal quotidien danois Jyllands-Posten…. Et ils font craindre le pire aux autorités en matière de sécurité. La Suède serait ainsi devenu « une cible prioritaire » pour les islamistes violents selon la directrice de la police de sécurité suédoise (Säpo), Charlotte von Essen.
Ambassadrice expulsée d’Irak
Dernier développement en date : un rassemblement organisé par un réfugié irakien en Suède, Salwan Momika, au cours duquel ce dernier a mis le feu au livre sacré de l’islam. En réaction, les partisans du chef religieux chiite Moqtada Sadr, figure incontournable de la politique en Irak, ont incendié l’ambassade suédoise à Bagdad le 20 juillet dernier. Dans la foulée, l’ambassadrice suédoise a été expulsée et le personnel de l’ambassade évacué.
Les autorités irakiennes ont également annoncé la suspension de la licence du géant suédois de l’équipement télécoms Ericsson sur leur territoire. Fin juillet, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et l’Iran ont par ailleurs convoqué les représentants des missions diplomatiques suédoises dans leur pays.
Au Danemark, c’est le mouvement nationaliste Danske Patrioter qui souffle sur les braises. Deux membres de ce groupe ont brûlé des exemplaires du Coran à deux journées d’intervalle devant les ambassades iranienne, irakienne, turque et égyptienne à Copenhague, provoquant des manifestations à Bagdad, dispersées par la police avant qu’elles atteignent l’ambassade du pays nordique.
Vers une législation adaptée ?
Ce contexte pour le moins explosif pousse les gouvernements scandinaves à intervenir. Ainsi du ministre danois des Affaires étrangères, Lars Lokke Rasmussen, qui a réuni les représentants des partis représentés au Parlement afin de trouver « un outil juridique pour interdire » ces autodafés. Mais la position est difficile à tenir sans enfreindre la liberté d’expression inscrite dans la constitution du pays. Un article de loi sur le racisme réprimant les actes insultants et l’incitation à la haine envers les citoyens en raison de leur race et religion pourrait cependant aider à surmonter l’obstacle. Une piste également suivie par les autorités suédoises.
De son côté, l’ONU s’est emparé de l’affaire, le Conseil des droits de l’homme adoptant une résolution intitulée « Lutter contre la haine religieuse en tant qu’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence », même si l’Allemagne, la Belgique, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni se sont opposés au texte dans lequel ils voient une atteinte à la liberté d’expression et une menace d’atteinte au droit au blasphème.
La France s’oppose à une résolution de l’ONU
Les droits de l’homme « protègent les personnes – pas les religions, les doctrines, les croyances ou leurs symboles. Ce n’est ni aux Nations unies ni aux États de définir ce qui est sacré », estime ainsi le représentant permanent de la France auprès de l’Office des Nations unies, Jérôme Bonnafont.
Le défi à relever est donc de taille entre respect de la liberté d’expression, diplomatie internationale et sécurité des ressortissants occidentaux… Il n’en demeure pas moins d’une actualité de plus en plus brûlante, conséquence des ébranlements du monde arabo-musulman et de l’immigration de masse vers l’Europe ces vingt dernières années.